Dans ce mémorial de Montormel, plusieurs choses m’ont touchée, le contraste de la beauté du paysage et de l’horreur de ce qui s’est passé : les civils non évacués, cachés dans des endroits étriqués, le couloir de la mort qui est resté avec les traces de la bataille durant un long moment, les civils qui ont dû vivre pendant et après avec les chars et les cadavres.
Un lieu petit, sous-proportionné à la bataille, où il a plu durant trois jours comme pour signifier que le ciel pleurait par la folie des hommes.
La terre a enfoui les traces du passé, le paysage est intact et pourtant quelques vestiges subsistent.
Un affaissement de la terre signifie qu’il y a sûrement des corps dessous, des griffures sur une maison rappellent une manoeuvre de char, un canon de fusil planté dans un arbre une explosion.
Ces marques que m’a montré Stéphane Jonot le directeur du Mémorial de Montormel, permettent de démontrer l’importance de ces empreintes si on sait les observer. C’est la mémoire de la terre qui passe par l’humain, qui se recoupe par des témoignages et des histoires.
C’est une bataille terrible que la nature a avalée mais qu’elle n’a pas oubliée.
Le mémorial de Montormel est un musée pour se souvenir.
Il était pour moi, qui travaille en suspension, obligatoire pour ces œuvres de venir à la terre . Des socles de plexiglass, écrin muséographique sont placés au sol, Ils contiennent des « fossiles paysagés » tel une fouille archéologique du sensible. On s’accroupit pour regarder , on prend le temps, on se recueille.
J’ai éprouvé l’envie de créer des vestiges de la mémoire de ce lieu. Entre maquette , paysage vallonné et corps cachés , des formes, coquilles, prennent vie avec de la porcelaine mélangée aux fibres de métal (métal résté longtemps dans ce couloir).
La terre est découpée , sectionnée comme des parcelles terrestres, puis mise au feu (cuisson) et enfin assemblée, cousue,suturée, réparée . Premiers fossiles.
La porcelaine se mélange ensuite aux billes de verre, pour percer la terre : pluie, balles, impacts. Deuxième paysage fossilisé
Puis vient la cellulose, le minéral laisse la place au végétal. Comme la clématite sauvage sur l’arbre mort, la fibre d’acier vient se déposer, habiller, protéger, camoufler le paysage. Elle s’envole comme une graine pour planter le souvenir.
Troisième paysage fossilisé.
Enfin les végétaux trempés dans la porcelaine viennent disparaître sous l’effet du feu et forment des ossements de plantes. Le végétal se lie intimement avec l’homme et sa disparition.
Toutes ces interprétations de ces paysages fossilisés mêlent questionnements et réflexions autour de la trace de l’histoire de Montormel qui devient la grande Histoire.
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