dominique torrente

La nature, le livre, le textile, au fond, ce sont ces trois fils, non chronologiques, mais tressés les uns aux autres, qui construisent, aujourd’hui, la trame de mon travail. Longtemps mes recherches se sont centrées sur les relations entre Texte et Textile, dans des expérimentations liées au fait que ces deux mots, en France, ont la même origine étymologique Texere. J’ai ainsi conçu des œuvres minimalistes, avec du textile, et d’autres avec le papier, le fil et la sérigraphie. J’ai débroché des livres, sérigraphié des textes d’autres auteurs sur les pages et recousues ensuite de façon à former une grande tenture libre, visible recto et verso,  appelés Palimpsestes, ou Peaux de papier.  J’ai aussi commencé à réalisé des  livres d’artiste divers et parfois illisibles tant la graphie s’estompait ou s’imprégnait dans le papier. Aujourd’hui, je fais toujours des livres d’artiste, souvent en complicité avec un poète ou une autrice.

Depuis quelques années, j’ai redécouvert une matière étonnante venant de canevas vintage, ces motifs simplifiés et brodés de points couchés ou de points de croix. Une fois enlevé  leur cadre, cette sorte de tapisserie est un objet lourd, dense, avec des versos étonnants de part leur singularité.

[Avec Dominique Torrente, l’envers du décor, l’idée d’un « bel ordinaire », la broderie, le réusage du canevas tissent dans toute sa pratique une économie symbolique et souterraine, celle d’un paysage intérieur dont elle révèle la complexité sous forme d’objets multidimensionnels, de toile brodée. Elle pourrait reprendre à son compte cette parole de Louise Bourgeois : « c’est l’envers qui vous dit la vérité ». Par l’histoire aliénante des femmes qu’il véhicule, le textile est lourd d’une charge politique dont Dominique Torrente s’approprie l’enjeu.]

Elisabeth Chambon, conservateur honoraire, texte extrait du catalogue de l’exposition au Musée de Bourgoin-Jallieu, « Femmes Plurielles », Editions Fage, 2021.

L’introduction de la Nature dans mes créations actuelles me semble importante, urgente. Et les matières s’hybrident pour concevoir des objets ou des métissages très divers, ajoutant les techniques plus classiques comme la peinture, le dessin, l’aquarelle. Ainsi, des pages  de papier cousues les unes aux autres du début de mes recherches, aux grandes installations des plissés de matière tissée, les couleurs, les hybridations me sont indispensables pour dire ce que les mots ne peuvent pas toujours nommés. La littérature irrigue bien sur et toujours mon univers artistique, que ce soit par des inscriptions, les titres ou autres traces d’écrits.